CRITIQUE | « Marvin ou la belle éducation » : si jeunesse savait...
- Francis Dupont
- 3 avr. 2018
- 3 min de lecture

Marvin ou la belle éducation - France, drame, 113 minutes. Réalisation: Anne Fontaine | Scénario: Anne Fontaine & Pierre Trividic | Photographie: Yves Angelo | Montage: Annette Dutertre | Direction artistique: Emmanuel de Chauvigny | Costumes: Elise Ancion | Producteurs: Philippe Carcassonne, Jean-Louis Livi & Pierre-Alexandre Schwab | Interprètes: Finnegan Oldfield, Jules Porier, Isabelle Huppert, Charles Berling, Vincent Macaigne, Catherine Mouchet, Grégory Gadebois, Catherine Salée
Le nouveau film d’Anne Fontaine, Marvin ou la belle éducation, n’est pas une adaptation du roman à succès d’Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule. Que cela soit clair! L’équipe du film l’a répété et l’écrivain s’est dissocié de ce long-métrage. Pourtant, c’est bel et bien le roman du jeune auteur français qui est le point de départ de ce magnifique film qui s’inspire aussi de son parcours fulgurant dans le monde littéraire.
Martin Clément (Finnegan Oldfield) est un jeune homme venu s’établir à Paris pour suivre une formation de comédien. Ses rencontres fortuites avec des gens influents du milieu lui permettent de jouer son enfance, sur scène, avec nul autre qu’Isabelle Huppert. Ce moment de gloire est le résultat d’un parcours chaotique et douloureux qui commence dans un village des Vosges alors qu’il s’appelle encore Marvin Bijou (Jules Porier). Dans son patelin, Marvin est le mouton noir de son école et de sa famille. Humilié, ostracisé, tyrannisé, Marvin ne répond pas aux attentes que les gens autour de lui ont des hommes. On se moque de lui à cause de sa démarche ou de ses manières dites efféminées. Sa famille, vivant dans la précarité, n’est intéressée que par la télévision et le pastis. Lorsque Marvin se joint à la troupe de théâtre de son école, c’est une raison de plus pour le dénigrer. C’est pourtant cette découverte du théâtre qui lui permettra de quitter son village et d’acquérir la belle éducation qui lui permettra de s’émanciper.
Marvin ou la belle éducation n’est pas un biopic d’Édouard Louis ni une fidèle adaptation de son roman. Le film prend trop de liberté pour être l’un ou l’autre, mais il puise suffisamment dans le matériel original pour qu’on y voit une interprétation libre du personnage public et de son oeuvre. En fait, cette décision prise par Anne Fontaine est peut-être la plus judicieuse. La prolifique réalisatrice franco-luxembourgeoise a dit qu’elle était intéressée par le parcours du personnage et non seulement par son enfance. En prenant de la liberté, Anne Fontaine offre une histoire plus complète ou, du moins, offre au personnage de Marvin une trajectoire dans laquelle il vit une évolution, une éducation. Cet aspect est absent du roman de Louis qui relate plutôt son enfance particulièrement violente. Le film permet d’explorer les conséquences d’une telle violence sur un jeune adulte. De plus, grâce aux personnages secondaires ajoutés dans le scénario signé par Fontaine et Pierre Trividic, Marvin trouve des personnes qui peuvent lui dispenser cette belle éducation qui lui permet de quitter l’enfance. Que ce soit Mme Clément, la directrice du collège, Abel, le maître devenu l’ami, ou Isabelle Huppert, la vedette, Marvin peut compter sur eux pour l’aider à faire son éducation morale et sentimentale. D’ailleurs, Marvin dit bien qu’il copie les gens qu’il aime.
Ce Marvin est interprété avec beaucoup de sensibilité par deux acteurs talentueux. Il y a d’abord le petit Marvin qui est joué tout en retenue par Jules Porier. Ce jeune acteur montre une grande maturité artistique en interprétant cette partition difficile. De son côté, le Franco-Britannique Finnegan Oldfield évoque vaguement le Édouard Louis qu’on connait, mais joue avec beaucoup de ménagement en laissant poindre l’émotion là où elle est nécessaire. Une mention aussi pour Grégory Gadebois et Catherine Salée, les interprètes des parents de Marvin, qui ont évité les caricatures rustres dans lesquels leur interprétation aurait pu s’enliser. Au contraire, ils réussissent à insuffler l’humanité nécessaire à ces parents qui sont sûrement plus dépassés par leur situation qu’ils ne le laissent entrevoir.
Marvin ou la belle éducation n’est pas le pendant cinématographique d’En finir avec Eddy Bellegueule. C’est une bonne chose parce que ce long-métrage n’a pas la fougue du roman. Cependant, en prenant ses distances, Anne Fontaine a pu se permettre de s’approprier cette histoire qui, quoique bien plus lisse que le récit original, est une magnifique histoire d’éducation morale.
3 étoiles
Marvin ou la belle éducation est présentement à l'affiche au Québec.
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