CRITIQUE | « Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri » : les panneaux de la colère

Trois affiches tout près d'Ebbing, Missouri (V.O. Three Billboards Outside Ebbing, Missouri) - États-Unis/Royaume-Uni, comédie dramatique, 115 minutes. Réalisation: Martin McDonagh | Scénario: Martin McDonagh | Photographie: Ben Davis| Montage: Jon Gregory | Direction artistique: Inbal Weinberg | Costumes: Melissa Toth | Musique: Carter Burwell | Producteurs: Graham Broadbent, Pete Czernin & Martin McDonagh | Interprètes: Frances McDormand, Woddy Harrelson, Sam Rockwell, Lucas Hedges, Abbie Cornish, John Hawkes, Peter Dinklage

Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri a beaucoup fait parler de lui au début de l’automne. Lancé à la Mostra de Venise, où il a remporté le prix du scénario, il a ensuite été projeté au TIFF où il a gagné le prix du public. Cet engouement est probablement dû à la prémisse originale du film de Martin McDonagh qui traite des thèmes de la rage et de la vengeance avec une grande habileté.

Mildred Hayes (Frances McDormand) est une femme divorcée dont la fille Angela a été violée et assassinée il a plusieurs mois. L’auteur du crime n’a jamais été identifié et la police locale semble avoir abandonnée toute tentative de lui mettre la main au collet. Cette léthargie dont fait preuve le shérif Willoughby (Woody Harrelson) pousse Mildred à louer trois panneaux d’affichage en bordure d’une route peu fréquentée sur lesquels elle demande à la police pourquoi le meurtre de sa fille est toujours irrésolu. Évidemment, cette action attire l’attention de la petite communauté d’Ebbing et dérange grandement le département de police. Le shérif Willoughby et l’agent Dixon (Sam Rockwell) se feront un plaisir de tenter de convaincre Mildred de retirer les trois affiches en utilisant des moyens peu orthodoxes. Qu’à cela ne tienne, Mildred, malgré les protestations de son fils (Lucas Hedges) et de son ex-mari (John Hawkes), se lancera dans un combat sans merci pour connaître l’identité de l’assassin de sa fille.

Le dramaturge-scénariste-réalisateur irlando-britannique Martin McDonagh a surtout été célébré pour son œuvre théâtrale par le passé. Cependant, depuis la sortie de son premier long-métrage, Bienvenue à Bruges, sa voix de réalisateur ne cesse de prendre de l’ampleur. Il a enchaîné avec un second long-métrage, Sept psychopathes, puis, cette année, avec Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri. Son cinéma est caractérisé par une violence qui sert souvent de ressort comique et de savoureuses répliques. Un genre qui n’est pas sans rappeler un certain Tarantino. Avec son plus récent film, McDonagh offre certainement son film le plus complet. Non seulement ce long-métrage offre des dialogues décapants, comme McDonagh sait si bien les écrire, mais il a dessiné des personnages complexes et fascinants. Si certains peuvent, au premier abord, avoir l’air caricaturaux, comme celui de l’agent Dixon, ils se révèlent pourtant très nuancés. Les personnages de McDonagh s’abreuvent à la vengeance et à la rage ce qui les rend à la fois détestables et attachants. C’est le cas de Mildred et Dixon qui sont merveilleusement interprétés par Frances McDormand et Sam Rockwell. Dans Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri, McDormand trouve probablement son plus grand rôle au cinéma depuis son inoubliable composition dans Fargo.

Il ne faut pas se méprendre, Martin McDonagh n’a pas réalisé un film de vengeance classique. Loin de là. Le cinéaste s’amuse plutôt à tromper le spectateur en traçant un récit qui s’annonce d’abord comme une traditionnelle histoire de représailles, mais qui sort rapidement des sentiers battus. Pour cette raison, Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est assurément une des propositions cinématographiques les plus emballantes de l’année.

4 étoiles

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