CRITIQUE | « Beach Rats » : comme les garçons
- Francis Dupont
- 7 oct. 2017
- 3 min de lecture

Beach Rats - États-Unis, drame, 98 minutes. Réalisation: Eliza Hittman | Scénario: Eliza Hittman | Photographie: Hélène Louvart | Montage: Scott Cummings & Joe Murphy | Direction artistique: Grace Yun | Costumes: Olga Mill | Musique: Nicholas Leone | Producteurs: Brad Becker-Parton, Andrew Goldman, Drew P. Houpt & Paul Mezey | Interprètes: Harris Dickinson, Madeline Weinstein & Kate Hodge
2017 s’annonce comme une année riche pour le cinéma LGBTQ. Après le sacre de Moonlight, de Barry Jenkins, aux Oscars, en février dernier, plusieurs films traitant de ces thématiques prendront l’affiche cet automne : 120 battements par minute du Français Robin Campillo, Call Me By Your Name de l’Italien Luca Guadagnino et Beach Rats de l’États-unienne Eliza Hittman. Ce dernier n’est pas sans rappeler Moonlight bien que Hittman y fasse briller son style distinctif de réalisation.
Frankie (Harris Dickinson) est un jeune homme de Brooklyn comme il en existe tant d’autres. Il passe son temps libre à vagabonder avec son groupe d’amis à travers la ville, le jour comme la nuit. Que ce soit à la plage, à la fête foraine ou dans une boutique de vapotage, Frankie cherche surtout à fuir sa réalité familiale assombrie par la grave maladie de son père. Auprès de ses amis qui baignent dans une masculinité archétypale, le jeune homme cherche à cacher ses désirs, ses fantasmes et son identité. Lorsqu’il ne consomme pas de drogue avec ses copains, Frankie se réfugie dans son sous-sol pour clavarder avec des hommes plus âgés qu'il rencontre ensuite pour avoir des relations sexuelles dans des forêts ou dans des motels. Ses activités nocturnes sont un secret bien gardé, il se laisse même entraîner dans une relation amoureuse avec Simone (Madeline Weinstein) pour mieux taire sa véritable identité.
Beach Rats est porté par son acteur principal, Harris Dickinson, un jeune britannique de vingt ans qui crève l’écran dans son premier rôle au cinéma. Au premier abord, Dickinson est un géant à la gueule de mannequin, mais il ne tarde pas à prouver qu’il a un véritable talent qui dépasse largement son physique. Son interprétation de Frankie est sensiblement composée. Il présente d’abord un jeune adulte plutôt froid, mais en avançant dans le récit, Dickinson donne à Frankie une complexité surprenante. Son personnage est loin d’être un simple beau gosse accro aux drogues. Le jeune acteur se dénude, au sens figuré comme au sens propre, tout en laissant le spectateur dans l’ambiguïté quant à l’acceptation de son identité sexuelle.
Eliza Hittman est une des réalisatrices les plus prometteuses du cinéma indépendant états-unien. Son premier long-métrage, It Felt Like Love, a reçu de bonnes critiques lors de sa sortie en 2013. Beach Rats, son second film, lui a valu le prix de la mise en scène au dernier festival de Sundance. Sa réalisation est en effet judicieusement réfléchie afin de raconter ce portrait intime qui n’est pas tout à fait un récit de découverte de soi classique. Avec la directrice de la photographie, Hélène Louvart, Hittman infuse une atmosphère sensuelle à son récit en promenant sa caméra sur les torses nus de ses personnages masculins. Tout au long du récit, cette caméra voyeuse, qui détaille les moindres parties du corps nu de Frankie, permet aussi à la réalisatrice de montrer le conformisme dans lequel son protagoniste est coincé. Frankie est un corps identique à celui de ses amis. Il réussit à se confondre dans une masculinité qu’il croit le préserver de ses pulsions homosexuelles. Non seulement la réalisatrice parvient à créer du désir en filmant ces quatre jeunes hommes, mais elle arrive aussi à les confondre. En les filmant en groupe, avec de gros plans sur leur torse, ils ne sont plus qu’un : un troupeau qui se déplace sans que ses membres soient capables d’affirmer leur individualité.
Eliza Hittman confirme, avec Beach Rats, qu’elle est une cinéaste incontournable du cinéma indépendant et elle révèle au grand jour le talentueux Harris Dickinson. Ensemble, ils offrent un bon film qui n’est probablement pas le plus marquant dans le genre, mais qui est un portrait tout de même pertinent d’un jeune en quête d'identité.
3 étoiles
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