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CRITIQUE | « Beatriz at Dinner » : ceci n’est pas un dîner de con

  • Francis Dupont
  • 29 juin 2017
  • 3 min de lecture

Beatriz at Dinner - États-Unis, drame, 83 minutes. Réalisation: Miguel Arteta | Scénario: Mike White | Photographie: Wyatt Garfield | Montage: Jay Deuby | Direction artistique: Ashley Fenton | Costumes: Christina Blackaller | Musique: Mark Mothersbaugh | Producteurs: Aaron L. Gilbert, David Hinojosa, Pamela Koffler, Christine Vachon | Interprètes: Salma Hayek, John Lithgow, Connie Britton, Chloë Sevigny, Jay Duplass, Amy Landecker, David Washofsky

Comédie noire bien de son époque, Beatriz at Dinner questionne les perversités de la société états-unienne à travers un microcosme bourgeois : une luxueuse résidence californienne, un souper d’affaires et des convives mondains. Jusque-là, rien de particulier pour le pays de l’oncle Sam. Cependant, lorsqu’une invitée débarque lors de ce repas comme un chien dans un jeu de quilles, le confort capitaliste de cette élite est irrémédiablement remis en question.

Beatriz (Salma Hayek) est une massothérapeute vivant en Californie. Mexicaine d’origine, elle vit avec ses chiens et sa chèvre dans une petite maison et travaille dans un centre de cancérologie où elle masse et médite avec les patients. Elle offre aussi ses services de massage à domicile à des clientes bien nanties comme Kathy (Connie Britton). Beatriz et Kathy sont unies par un lien plus fort que celui de la massothérapie. Aux dires de Kathy, Beatriz est une amie de la famille puisqu’elle a accompagné Tara, leur fille, dans son combat contre le cancer. Lorsque Beatriz vient masser Kathy avant un souper qu’elle organise chez elle, la massothérapeute lui confie qu’elle est dévastée depuis que son voisin a tué l’une de ses chèvres dont il ne supportait pas les bruits. S’apprêtant à partir, Beatriz éprouve des problèmes avec sa voiture. Elle téléphone à un ami, mais celui-ci ne pourra pas venir la chercher avant un bon moment. Kathy l’invite à se joindre à ses convives pour le souper bien que ce soit un repas d’affaires organisé par son mari Grant (David Warshofsky). Beatriz accepte et se retrouve entourée d’invités plus mondains les uns que les autres. Ses opinions et ses idées ne collent pas du tout avec ceux des autres, particulièrement avec ceux du magnat Doug Strutt (John Lithgow). Ce personnage archi riche et puissant est le plus condescendant à l’égard de Beatriz. Celle-ci est convaincue d’avoir déjà rencontré ce fameux Doug Strutt. Lorsqu’elle réalisera qui est ce puissant homme d’affaires, la soirée tournera au vinaigre.

Beatriz at Dinner, réalisé par Miguel Arteta, a été lancé au dernier Festival de Sundance où il a reçu un accueil chaleureux. Ce long-métrage est d’abord un puissant portrait de femme que Salma Hayek s’est magistralement approprié. Les rôles principaux pour les actrices latino-américaines sont plutôt rares aux États-Unis qui a pourtant une importante population latino-américaine. Celui de Beatriz est savoureux, complexe et finement écrit. Salma Hayek rappelle qu’elle est une excellente actrice. Celle qui avait obtenu une nomination aux Oscars pour son interprétation de Frida Kahlo a souvent été reléguée à des rôles sans grande consistance. Ici, elle est impériale et nage entre différentes gammes d’émotion avec conviction. Sa Beatriz est tout à fait convaincante et dépeint un exemple de ces millions d’immigrants qui, malgré leur intégrité et leur résilience, sont victimes de préjugés. Madame Hayek pourrait certainement décrocher une seconde nomination à l’Oscar de la meilleure actrice grâce à Beatriz at Dinner. Il faut aussi souligner le travail de John Lithgow qui, dans un rôle ingrat et plutôt unidimensionnel, offre une composition délicieusement maligne en magnat sans scrupule.

Le scénario de Mike White est beaucoup plus complexe que ce qu’il laisse croire à première vue. Si la prémisse du film est accrocheuse, le récit aurait pu sombrer dans la facilité une fois l’élément déclencheur passé. Au contraire, White soutient l’intérêt du récit en faisant voguer ses personnages dans des eaux inattendues. Si le scénariste confronte ses personnages mondains aux côtés sombres de leur mode de vie par la présence de Beatriz, il pose aussi des interrogations qui s’adressent à toutes les franges de la société états-unienne.

Ce serait un euphémisme de dire que Beatriz at Dinner est d’actualité. Les sujets abordés par Arteta et White sont ceux qui caractérisent une société états-unienne obsédée par l’argent et l’impérialisme. D’ailleurs, le film aurait été tout aussi pertinent sous le règne d’Obama. Trump n’est pas le créateur de tous les maux, bien qu’il soit celui qui leur a procuré l’engrais pour se développer. Ceci étant dit, des films comme Beatriz at Dinner sont essentiels à notre époque. Espérons que d’autres cinéastes se revendiqueront de ce genre de cinéma militant.

4 étoiles

 
 
 

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