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CRITIQUE | « Nelly » : Entre réalité et fiction

  • Francis Dupont
  • 24 janv. 2017
  • 3 min de lecture

« Nelly » - Québec, 2017, drame biographique, 101 minutes. Réalisation: Anne Émond | Scénario: Anne Émond | Photographie: Josée Deshaies | Montage: Mathieu Bouchard-Malo | Musique: Dear Criminals | Direction artistique: David Pelletier | Costumes: Patricia McNeil | Productrice: Nicole Robert| Interprètes: Mylène Mackay, Mickaël Gouin, Milya Corbeil-Gauvreau, Francis Leplay, Catherine Brunet & Sylvie Drapeau

Elle est entrée dans la légende littéraire grâce à sa vie mouvementée, sa fin tragique et, surtout, son œuvre. Nelly Arcan est au panthéon des artistes qui ont vécu une vie torturée à travers une œuvre qui a marqué leurs contemporains. Le cinéma allait, tôt ou tard, poser son regard sur la vie de cette écrivaine et c’est la réalisatrice Anne Émond qui s’en charge. Cette dernière offre un film biographique loin des conventions du genre, à l’image de son sujet qui était tout sauf une auteure conventionnelle.

Elles sont quatre. Quatre femmes, quatre alter ego, quatre Nelly. Il y a la prostituée, celle qui semble passer les clients les uns après les autres avec un détachement déroutant, mais qui en souffre tout de même. Il y a la star, une sulfureuse blonde qui supporte mal le vedettariat et qui se laisse aller à toutes sortes de folies. Il y a la jeune amoureuse qui est dévorée par la passion et les drogues. L’histoire de ses trois personnages entrecoupe celle du quatrième, le pilier du récit : l’écrivaine. Nelly Arcan, de son vrai nom Isabelle Fortier, auteure qui connaît un succès littéraire instantané. Derrière la plume se cache une femme fragile, vulnérable au regard des autres et en constante remise en question. Le récit fait des allers-retours entre son enfance et sa jeune carrière ainsi que les troubles qui suivent le succès.

La grande force de Nelly est aussi ce qui le rend hermétique au premier abord. Anne Émond ne s’est jamais caché qu’elle voulait faire un film biographique qui s’éloigne du format habituel. C’est bel et bien le cas. Le film est entre la réalité vécue par Nelly Arcan et la fiction de ses romans. À tel point que, si vous n’êtes pas initié à l’œuvre d’Arcan, vous aurez probablement un peu de difficulté à démêler la vérité de la fiction lors des premières minutes. Une fois le récit bien entamé, la proposition devient plus claire et plus logique. Il est possible de séparer ce qui tient de l’œuvre et ce qui tient de la vie de l’auteure. C’est à ce moment que le long-métrage révèle l’ingéniosité de sa proposition : un film atypique pour raconter l’histoire d’une artiste atypique. Nelly Arcan était une écrivaine, et une figure médiatique, voilée de mystère. Ces apparitions publiques ne permettaient pas de déceler complètement qui était cette femme. Nelly Arcan entretenait un flou quant à sa personne. D’ailleurs, Nelly Arcan en soi était une pure construction de la part d’Isabelle Fortier. Celle qui apparaissait sur les plateaux télévisés n’était pas la vraie femme, elle était un personnage qui en est venu à faire partie de sa vie, à la troubler. Comme le dit le personnage dans le film, elle a créé Nelly Arcan pour se protéger, mais c’est plutôt l’inverse qui s’est produit.

Nelly est animé par une solide interprétation de la part de Mylène MacKay. En incarnant Nelly Arcan, ou plutôt les Nelly, au grand écran, Mylène MacKay obtient son premier grand rôle au cinéma. Celle qui a obtenu le prix de la révélation du cinéma québécois il y a quelques semaines s’attaque à un projet d’envergure pour son premier grand rôle. Le défi est relevé. Elle se glisse dans la peau de ces quatre femmes avec beaucoup de vulnérabilité et d’intensité. Mylène MacKay arrive à porter à l’écran quatre personnages bien distincts tout en créant un fil conducteur entre eux. Après avoir joué, l’an dernier, dans Endorphine d’André Turpin et Embrasse-moi comme tu m’aimes d’André Forcier, Mylène MacKay confirme, avec Nelly, qu’elle est l’une des actrices les plus prometteuses du cinéma québécois.

Qu’on aime ou non Nelly Arcan, qu’on l’ait lu ou pas, on peut dire beaucoup de choses à son sujet, mais il n’est pas possible de dire qu’elle n’est pas une écrivaine marquante de la littérature québécoise. Son personnage aura parfois fait ombrage à son œuvre, mais elle n’en reste pas moins l’une des voix les plus distinctes parmi les écrivains d’ici. Anne Émond a su capturer cette singularité pour en faire un film qui plonge dans la psyché d’une artiste profondément troublée. N’allez pas voir Nelly pour en connaître plus sur la vie d’Isabelle Fortier, allez plutôt voir Nelly pour explorer l’univers aux frontières troubles de Nelly Arcan.

3 étoiles


 
 
 

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