CRITIQUE | "The Girl King": une reine rebelle pour un film sage
- Francis Dupont
- 7 sept. 2016
- 3 min de lecture

"The Girl King" - Allemagne/Canada/Finlande/Suède, 2016, drame biographique, 1h46. Réalisation: Mika Kaurismäki | Scénario: Michel-Marc Bouchard d'après sa pièce de théâtre "Christine, la reine-garçon" | Photographie: Guy Dufaux | Montage: Hans Funck | Musique: Anssi Tikanmäki | Direction artistique: Petri Neuvonen & Markku Pätilä | Costumes: Marjatta Nissinen | Producteurs: Mika Kaurismäki, Anna Stratton, Rainer Kölmel, Arnie Gelbart, Wasiliki Bleser, Martin Persson | Interprètes: Malin Buska, Sarah Gadon, Michael Nyqvist, Lucas Bryant, François Arnaud, Hippolyte Girardot, Patrick Bauchau.
Les vies des grandes reines sont une source d’inspiration inépuisable pour le cinéma : La Reine Margot, Mrs Brown, Elizabeth, Marie Antoinette, The Queen et The Young Victoria pour ne nommer que les œuvres cinématographiques les plus récentes consacrées à des souveraines. Si, en général, se sont les reines anglaises et françaises qui inspirent le plus les cinéastes, il arrive que soit porté à l’écran la vie de monarques moins connues. C’est le cas de Christine de Suède, reine iconoclaste et avant-gardiste. Elle a déjà été personnifiée à l’écran par l’iconique Greta Garbo et Liv Ullman. Dans The Girl King, du finlandais Mika Kaurismäki, c’est la Suédoise Malin Buska qui prête ses traits à la reine-garçon. Si cette reine suédoise n’avait rien de conventionnel, il en va tout autrement pour cette nouvelle adaptation cinématographique de sa vie.
The Girl King, production en partie canadienne, relate la vie de la reine Christine de Suède (Malin Buska) depuis sa naissance, en 1626, jusqu’à son abdication en 1654. Unique enfant et héritière du roi Gustave II Adolphe, Christine est élevée comme un garçon afin de la préparer à son futur rôle. Une fois couronnée, elle sera confrontée aux pressions de son entourage qui l’incite à prendre mari pour donner un héritier au royaume. De plus, à l’époque où les guerres de religion font rage en Europe, Christine est poussée à défendre la réforme luthérienne. Pourtant, la reine-garçon aura beaucoup de mal à remplir ces rôles qui sont en contradiction profonde avec sa personne : lesbienne et amoureuse de sa dame de compagnie (Sarah Gadon), elle est aussi une souveraine éclairée, séduite par les idées des grands penseurs de son temps comme son ami René Descartes (Patrick Bauchau).
Si le titre du long-métrage de Mika Kaurismäki vous est familier, la version française s’intitule La reine-garçon, c’est qu’il est basé sur la pièce de théâtre, Christine, la reine-garçon, qui fut présentée au Théâtre du Nouveau Monde en 2012. Michel-Marc Bouchard, auteur de la pièce, l’a lui-même adaptée pour le grand écran. Les attentes envers l’adaptation cinématographique étaient élevées après le succès de la pièce. D’ailleurs, le scénario de The Girl King est son point fort. Bouchard a su transposer de façon réussie son récit au cinéma. Les personnages sont, pour la plupart, riches et denses et le récit expose habilement le rôle hors du commun que Christine a joué dans la Suède du XVIIe siècle.
Pour leur part, les interprètes défendent de façon convaincante leur rôle. Si certains en font un peu trop, c’est Malin Buska qui s’en sort le mieux avec une interprétation très habitée de Christine de Suède. Elle est pleinement engagée dans le rôle et montre une intensité et une fougue qui sied parfaitement à la Minerve du Nord.
À la réalisation, Mika Kaurismäki avait entre ses mains un scénario solide et une distribution talentueuse. Pourtant, sa mise en scène n’offre rien de bien enlevant. Si la pièce de théâtre avait emballé le public, le film déçoit. Par moment, cette coproduction internationale a des airs de téléfilm. Kaurismäki propose un long-métrage convenu et peu inspiré… Tout le contraire de ce qu’était la reine Christine. Certains décors et costumes ne concordent pas avec le ton naturaliste que le film semble vouloir emprunter. La musique est lourde et fait verser plusieurs scènes dans le mélodramatique tout comme l’insertion d’ellipses censées expliquer le passé de la souveraine.
The Girl King n’est définitivement pas à placer au même rang que La Reine Margot ou Elizabeth. Dommage puisque le scénario et les interprètes exhibent de belles qualités. Christine de Suède est si grandiose et si avant-gardiste qu’il est ironique qu’on lui rend hommage avec un film si convenu. Un personnage historique d’une telle grandeur aurait mérité mieux.
2 étoiles





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