CRITIQUE | "King Dave": à bout de souffle
- Francis Dupont
- 21 juil. 2016
- 3 min de lecture

"King Dave" - Québec, 2016, drame, 1h40. Réalisation: Daniel Grou alias Podz | Scénario: Alexandre Goyette d'apès la pièce de théâtre "King Dave" d'Alexandre Goyette | Photographie: Jérôme Sabourin | Musique: Milk & Bone | Direction artistique: André Guimond | Costumes: Valérie Lévesque | Productrice: Nicole Robert | Interprètes: Alexandre Goyette, Karelle Tremblay, Mylène St-Sauveur, Philippe Boutin, Moe Jeudy Lamour, Micheline Bernard, Lise Roy.
King Dave était un des films québécois les plus attendus de l’été 2016. Annoncé comme étant composé d’un seul plan-séquence, avec Podz à la réalisation et adapté de la pièce à succès éponyme, les attentes étaient élevées envers King Dave. Présenté en ouverture du festival Fantasia, King Dave est, sans aucun doute, un des films les plus singuliers de l’année.
King Dave, adapté de la pièce de théâtre écrite et interprétée par Alexandre Goyette, suit l’histoire de Dave, un homme qui nous raconte son passé de rebelle tout en le revivant. Habitant un quartier défavorisé de Montréal, cet homme impulsif et verbomoteur trempe dans la petite criminalité. Un soir de fête, lorsqu’il voit son amoureuse danser avec un autre homme, il décide de partir à la poursuite de cet individu et de se venger coûte que coûte.
King Dave est avant tout le portrait d’un homme. Dave, joué par Alexandre Goyette qui reprend à l’écran le rôle qui lui a valu un prix Masque en 2005 sur les planches, est devant l’objectif pendant la quasi-totalité du film. Alexandre Goyette porte le récit sur ses épaules et il démontre une maîtrise absolue de son interprétation. Il balance parfaitement humour et drame afin de rendre presque attachant son Dave qui, en fait, est un homme détestable. Dans sa version théâtrale, Alexandre Goyette interprétait tous les personnages. Dans le film, ces personnages secondaires ne sont qu’accessoires. C’est fort malheureux puisqu’on leur a trouvé de merveilleux interprètes. Avec une brochette d’acteurs composée de Mylène St-Sauveur, Micheline Bernard, Lise Roy et Karelle Tremblay, entre autres, c’est un gâchis de les avoir sous-utilisés.
Si l’histoire à la base de King Dave est forte, son adaptation fait défaut. Le scénario reste beaucoup trop collé à son matériel d’origine et conserve ses traits théâtraux. Alexandre Goyette s’est chargé de l’adaptation au cinéma de la pièce qu’il a créée pour les planches. Son scénario est composé d’un monologue dit par Dave au cours duquel il défonce le quatrième mur, entrecoupé par des dialogues avec son entourage. Si ce choix est tout à fait justifié, il est plus difficile de saisir la pertinence de faire dire à Dave tout ce qu’il fait. En effet, Dave décrit beaucoup ses actions, ses déplacements, ses rencontres… Il est le narrateur omniprésent de sa propre histoire. Ce procédé rappelle la théâtralité d’origine de l’œuvre. Pourquoi faire dire autant de choses à Dave alors que le cinéma offre le luxe de montrer les choses?
Daniel Grou, alias Podz, fait un travail remarquable derrière la caméra. Son plan-séquence est magistral, digne d’un grand metteur en scène de cinéma. On le savait doué après des films comme 10½, L’Affaire Dumont et sa série 19-2, mais, avec King Dave, Podz se montre au sommet de son art. Ce plan-séquence est la grande réussite du film et avec raison. L’exercice est étonnant, 91 minutes sans interruption sur 9 kilomètres et dans 20 lieux de tournage différents. Ce plan-séquence est la matérialisation du récit de Dave : une course effrénée où la cadence ne permet pas de reprendre son souffle. Chapeau à Podz et toute l’équipe technique.
King Dave se classe parmi les meilleures réalisations de Podz, et ce, grâce à sa mise en scène géniale et à la grande interprétation d’Alexandre Goyette. L’adaptation depuis les planches jusqu’à l’écran ne s’est pas faite sans heurts, mais le produit final reste tout de même captivant.
3 étoiles
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