CRITIQUE | "Suffragette": un combat centenaire toujours d'actualité
- Francis Dupont
- 22 nov. 2015
- 3 min de lecture
"Suffragette" - Royaume-Uni, 2015, drame historique, 1h46. Réalisation: Sarah Gavron | Scénario: Abi Morgan | Photographie: Eduard Grau | Montage: Barney Pilling | Musique: Alexandre Desplat ! Direction artistique: Alice Normington | Costumes: Jane Petrie | Producteurs: Alison Owen & Faye Ward | Interprètes: Carey Mulligan, Helena Bonham Carter, Meryl Streep, Anne-Marie Duff, Ben Whishaw, Brendan Gleeson, Natalie Press, Romola Garai
Suffragette, de Sarah Gavron, arrive sur nos écrans à un moment où il nous est rappelé que l’inégalité dont sont victimes les femmes est toujours bien présente dans notre société. Qu’on pense aux nombres alarmants des femmes autochtones disparues ou assassinées à travers le Canada, aux troublantes révélations de harcèlement sexuel dont sont victimes des femmes par certaines personnalités publiques au Québec ou aux discussions enflammées qu’a déclenché Jennifer Lawrence sur l’iniquité salariale à Hollywood, Suffragette est définitivement un film de son temps, bien que l’action se déroule en 1912.
Ce drame historique tourne autour de Maud Watts (Carey Mulligan), une jeune femme issue de la classe ouvrière londonienne. À 24 ans, elle est mère d’un petit garçon et travaille dans une blanchisserie depuis l’âge de 7 ans. Maud s’engagera au sein du mouvement des suffragettes lorsqu’elle verra une de ses collègues, Violet Miller (Anne-Marie Duff), s’y impliquer. Motivée par les injustices et les drames qui ont marqué son passé, Maud sera initiée au militantisme par d’autres femmes de tête comme Edith Ellyn (Helena Bonham Carter) avant de s’y abandonner complètement. Les conséquences seront lourdes pour elle. Non seulement Maud sera victime du sort réservé à celles qui militent pour l’égalité des sexes : exclusion, intimidation, violence, emprisonnement et gavage. Elle sera aussi victime d’être une femme de l’Angleterre édouardienne, sans aucun droit légal sur son mariage et son enfant.
La très talentueuse Carey Mulligan, découverte grâce à sa performance dans An Education, défend de façon très convaincante le personnage fictif de Maud Watts. Cette militante représente de nombreuses femmes qui ont bravé les préjugés, la haine, la peur et la violence pour assurer un avenir meilleur à leurs filles. Mulligan offre une Maud déterminée malgré les épreuves et les découragements. Les autres actrices sont très convaincantes dans leur rôle respectif. Mentionnons, le très beau travail de Helena Bonham Carter qui se distance des rôles excentriques qui ont fait sa renommée pour habiter une pharmacienne-militante dont les convictions n’ont pas de limites. Bien que Meryl Streep soit très présente dans les publicités qui ont précédé la sortie du film, son apparition se limite à une seule scène. Dommage puisque dans le rôle de la célèbre activiste Emmeline Pankhurst, Streep aurait probablement eu l’occasion de briller de tous ses feux si le scénario lui avait accordé plus de place.
Le travail de Sarah Gavron derrière la caméra n’offre rien de nouveau, sa réalisation est conventionnelle. Suffragette n’est pas un film qui offre une relecture des codes du cinéma. Cependant, dans ce cas-ci, c’est un choix judicieux. La réalisatrice semble laisser la place au propos et aux personnages sans les étouffer avec des traitements stylistiques superflus.
Abi Morgan, scénariste de Shame et The Iron Lady, signe un scénario efficace quoique quelque peu académique. Grâce aux personnages principaux qui sont tous fictifs, elle se permet d’adopter un angle plus intime sur les suffragettes, tout en restant fidèle à l’Histoire grâce aux personnages historiques, comme Emmeline Pankhurst, Emily Davison et David Lloyd George, qui occupent des rôles secondaires.
Suffragette est un film visuellement splendide. Grâce à ses décors et ses costumes, le Londres de la période édouardienne est fidèlement recréé depuis ses logements exigus jusqu’à ses blanchisseries étouffantes en passant par ses étroites ruelles.
Il était grand temps que le mouvement des suffragettes ait un film digne de ce nom, plus de cent ans après les évènements. Sans être une grande pièce d’anthologie cinématographique, Suffragette est tout de même un film important. Comme il est indiqué à la fin du film, certains pays refusent toujours d’accorder aux femmes le droit de vote et même des droits de la personne élémentaires. Un film comme celui-ci se doit d’être vu et d’être discuté, particulièrement chez les jeunes générations où certains croient, à tort, que le féminisme n’a plus sa raison d’être en 2015.
3 étoiles





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