CRITIQUE | "Steve Jobs": l'homme derrière le mythe de la pomme
- Francis Dupont
- 26 oct. 2015
- 3 min de lecture
"Steve Jobs" - États-Unis, 2015, drame biographique, 2h02. Réalisation: Danny Boyle | Scénario: Aaron Sorkin, d'après Steve Jobs de Walter Isaacson | Photographie: Alwin H. Külcher | Montage: Elliot Graham | Musique: Daniel Pemberton | Direction artistique: Guy Hendrix Dyas | Costumes: Suttirat Anne Larlarb | Producteurs: Danny Boyle, Guymon Cassady, Christian Colson, Mark Gordon, Scott Rudin | Interprètes: Michael Fassebender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels, Michael Stuhlbarg, Katherine Waterston
Il semble que Steve Jobs soit une source d’inspiration riche pour le cinéma américain. Après Jobs de Joshua Michael Stern, avec Ashton Kutcher dans le rôle-titre, sorti en 2013, Steve Jobs : The Man in the Machine le documentaire d’Alex Gibney sorti plutôt cet automne, voici que Steve Jobs du réalisateur oscarisé Danny Boyle arrive sur nos écrans.
Lancé au Festival du film de Telluride en septembre dernier, « Steve Jobs » retrace la vie du mythique cofondateur d’Apple, interprété par Michael Fassbender, entre 1984 et 1998. Divisé en trois parties distinctes, le film s’attarde aux lancements du premier ordinateur personnel Macintosh, à celui du premier ordinateur de NeXT (compagnie fondée par Jobs suite à son exclusion du groupe Apple) et à celui du premier iMac. À travers ces trois lancements, c’est le portrait d’un homme dont l’ambition n’a aucune limite qui nous est présenté. Son caractère intempestif explique son succès, mais aussi les difficultés relationnelles qu’il éprouve avec son entourage que ce soit avec Steve Wozniak (Seth Rogen), le cofondateur d’Apple, John Sculley (Jeff Daniels), directeur général d’Apple, ou Chrisann Brennan (Katherine Waterston), la mère de sa fille. Seule Joanna Hoffman (Kate Winslet), directrice du marketing, est en mesure de rationaliser Jobs et de lui servir de confidente.
Steve Jobs compte sur une distribution solide à commencer par Michael Fassbender. Se passant de présentation, Fassbender s’est imposé en quelques années comme l’un des acteurs les plus époustouflants de sa génération. Il a marqué les esprits avec Shame et 12 Years a Slave et il trouve ici un rôle à la mesure de son talent. Plutôt que faire du mimétisme, Fassbender s’approprie complètement Jobs et offre son interprétation de ce génie antipathique. C’est une performance nuancée qui n’a rien à voir avec ce qui est généralement proposé par les films biographiques. Pour sa part, Kate Winslet s’impose facilement devant les autres acteurs malgré un rôle peu développé. La chimie entre l’actrice oscarisée pour son rôle dans The Reader et Fassbender est évidente, naturelle même. À défaut de pouvoir sympathiser avec le personnage principal, Kate Winslet offre une Joanna humaine et forte créant un équilibre entre elle et Jobs. Il ne serait pas étonnant de retrouver ces deux acteurs sur le tapis de la prochaine cérémonie des Oscars grâce à ce film. Il faut aussi mentionner le travail de Seth Rogen, habitué des comédies, qui impressionne dans cette rare performance dramatique.
Aaron Sorkin, scénariste de Moneyball et The Social Network, offre un scénario qui n’est pas sans rappeler ce dernier. Les deux sont à propos d’un surdoué malhabile dans ses relations avec les autres et fondateur d’une invention qui révolutionne sa génération. Sorkin montre de nouveau qu’il est un maître dans l’art de rédiger des dialogues fins. Les échanges entre ses personnages sont des joutes verbales dignes d’un match de tennis et qui requièrent une attention constante afin d’en saisir toutes les subtilités. Cependant, il s’applique si soigneusement à décortiquer le complexe personnage qu'est Jobs que les personnages secondaires semblent évoluer dans son ombre et ne jamais se révéler complètement.
Danny Boyle, à qui on doit Trainspotting, Slumdog Millionaire et 127 Hours, offre un de ces films les plus maîtrisés sans être son plus percutant. Sa mise en scène dynamise le scénario de Sorkin par un style vivant et en s’alliant à un montage efficace. « Steve Jobs » aurait pu facilement se transformer en de très longues conversations filmées sans l’énergie de Boyle derrière la caméra. Toutefois, le scénario semble avoir tendance à l’emporter sur la mise en scène qui s’essouffle par moment. Il faut aussi mentionner la très belle musique de Daniel Pemberton qui ponctue efficacement le récit.
Steve Jobs est un bon film. Par contre, bien que conçu par des artistes au sommet de leur art, il aura probablement plus de difficulté à accrocher ceux qui connaissent peu la marque Apple ou Steve Jobs. Un certain hermétisme se dégage du film de Danny Boyle si la technologie de la pomme croquée ne vous est pas familière.
3 étoiles
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